DOSSIER DE PRESSE

 

 

 

Douglas Burnet Smith

 

 

 

 

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DOSSIER DE PRESSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Les Sacrifiés traduit par Laurence Aviragnet

 

- Milosevic à Paris,  in Literary review of Canada , septembre 2001

par ETHAN GILSDORF

 

- Tueurs, Victimes:

Les conflits rendent la poésie caustique, in Atlantic books today, automne 2000, n° 30

par  KELLY MARIE REDCLIFFE

 

 

 

 

 

 

 

 


Presse

 

LES SACRIFIÉS


Traduit par Laurence Aviragnet

 

 Milosevic à Paris

 


Les Sacrifiés

(The Killed: titre original)

Douglas Burnet Smith

Traduit par Laurence Aviragnet

Wolsak and Wynn 76 pages, softcover ISBN 0919897711

 

A

lors que j’écrivais cet article, Slobodan Milosevic venait juste d’être transféré par hélicoptère et avion  de le prison centrale de Belgrade à la Hague, où il attend désormais dans une petite cellule dans l’aile des nations Unis de  la prison de Scheveningen en Hollande. Pour la première fois de l’histoire, un dirigeant politique sera jugé par la communauté internationale pour crimes contre l’humanité.

Il est rare que la poésie rejoigne les grands titres des journaux, mais avec “les Sacrifiés” de Douglas Burnet Smith, les lecteurs ont, désormais, une bonne raison de froisser leurs journaux  et de rechercher un volume de poésie pour s’informer. En regard du travail récent de Douglas Burnet Smith, voici le fameux dicton de William Carlos Williams  tiré de "Aspho­del, That Greeny Flower"—"Il est difficile/ d’obtenir les informations dans des poèmes / bien que des hommes meurent misérablement tous les jours/ par manque / de ce qu’on y trouve  "­— qui nous rappelle ce que la poésie peut contenir: si, non pas le contenu identique des grands titres, alors quelque chose d’également essentiel et nourrissant. Ici, les poèmes brutaux et dévastateurs de Smith utilisent l’horreur de la guerre des Balkans pour transmettre le béton carbonisé et l’émotion du courage de chaque vie perdue et pleurée.

Tandis que d’autres “poèmes politiques” avec le désir criant de grincer échouent misérablement, ces lignes sont un vrai succès à tant de niveaux —au niveau  musical, comme témoignage, comme un antidote à la simple entropie et à la tristesse. Oui, le monde célèbre l’emprisonnement de Milosevic, et le livre de Smith nous rappelle pourquoi cet homme est là.

Le volume se divise en deux parties : la première, intitulée "Les Sacrifiés,” est une séquence de 41 poèmes, qui se déroule au travers des yeux d’une jeune traductrice de Sarajevo ; une femme  dont le reportage (tenu un peu tel un journal) est plus dense que n’importe quelle histoire /titre aux informations et exprime les douloureuses histoires des défunts coulant, éparses, le long des pages comme un filet de sang. Elle est elle-même anonyme, comme le sont les poèmes sans titres, et les morts sans noms :

 

Je m’assieds à ce bureau chaque soir.

Chaque soir,

j’entends la petite fille du dessus

 

descendre les cinq étages

pour appeler sa soeur dans la rue,

 

la soeur qui est morte

il y a deux ans.

 

Je peux voir les patineurs sur la rivière

qui glissent et se penchent dans le vent,

mains dans le dos.

 

Combien de temps

la remontée prendra-t-elle :

une heure

sans cadran.

 

Smith est l’auteur de 11 livres de poésie, dont Voices from a Farther Room (Wolsak and Wynn, 1992) qui a été nominé au  Prix du Gouverneur Général. Nombreux de ses précédents protagonistes sont des femmes ; dans Ladder to the Moon (Brick Books, 1988), il examine Georgia O'Keeffe;Dans La partenaire du Lanceur de Couteau (The Knife-Thrower's Partner -Wolsak and Wynn, 1989) il raconte la perspective de la femme qui, à l’autre bout, reçoit ce dangereux coup de maître; et il travaille actuellement sur un livre de poésie concernant Marie Curie. A l’aise sous ces apparences,  Smith  regarde légèrement de travers l’histoire ou des évènements plus récents: ce n’est pas le poète regardant le JT de 20 heures, qui ensuite viendrait crânement nous parler d’injustice. Au contraire, la traductrice de Smith  nous offre des ruminations, des désespoirs et les obsessions qui la hantent tandis que les Tués—via la radio, la TV, les pixels de l’écran de l’ordinateur, la mémoire—font leurs pèlerinages métaphoriques ou très réels dans son appartement. La séquence se dénoue d’une façon dépouillée et crue. Les poèmes fonctionnent eux-mêmes tels des mitraillettes, leurs rythmes staccato:

 

Celui-ci peut exhaler son souffle

par le trou de son dos.

Celui-là était un messager, si mince

qu’on ne pouvait le voir, caché dans l’herbe sèche.

Celle-là n’arrête pas

de brosser ses mains

elle entend les bottes

/s’approchant d’elle écraser le gravier humide….

 

Les tués arrivent chaque nuit pour me faire la lecture.

Ils apportent des livres, tachés par la boue des tombes

et la graisse des fusils.

 

Ils se tiennent au milieu de la pièce, 

et ils lisent, clairement et sans peine,

l’histoire de leurs anciennes vies,

exactement les mêmes mots chaque nuit:

leur sommeil mitraillé par les projecteurs

traversant les fenêtres ; leurs envies délirantes,

dans un semi rêve —de musique, de rouge à lèvres,

de baklava sur une assiette blanche et propre—

 

Les poèmes sont des instantanés au plus près de voix désincarnées et d’histoires brisées; le lecteur n’est pas toujours certain de leur origine. Allons nous les percevoir comme la propre expérience de la traductrice ou celle des fantômes (ou des deux)  aussi bien que des histoires issues des médias? Bien sûr, là est la question: nos histoires sont autant les nôtres que celles des morts.

La forme et l’aspect visuel servent parfaitement le sujet. Quelques poèmes font plus d’une page et leurs vers habituellement courts (moins de 10 syllabes) induisent un effet d’isolement :

 

Ils m’ont demandé

(et je me le suis demandé aussi d’ailleurs)

 

« Pourquoi faire ça? C’est inutile maintenant,

c’est fini depuis longtemps n’est-ce pas ? »

 

J’ai seulement souri, oui, pensant

pas pour ceux qui devaient se réhabituer à ne plus être des proies.

 

J’ai besoin de remplir de mots

les parties manquantes des tués.....

 

Smith, un canadien qui partage son temps entre Paris et le Canada a déjà un pied fermement planté en Europe,aussi la deuxième section, un long poème intitulé Europe, “Milosevic à Paris” semble une étape suivante intelligente. Entre fascination avec la mort, fantasme du châtiment et un côté documentaire de voyage à Paris le long poème prend pour point de départ la visite de Milosevic de la ville des Lumières. Que ce tour touristique trouve sa source dans les nouvelles ou soit imaginaire (il était en fait, juste en dehors de la ville, à Rambouillet, raillant un accord de paix), il sert parfaitement le poète et lui permet de condamner le narrateur du poème, lui-même, qui prend le soleil au-dessus des banlieusards voyageurs, non loin des emblèmes symboliques de la civilisation et de la nation: la tour Eiffel (“babiole tape à l’oeil / tombée du bracelet de retraite  de Dieu”) et le tombeau de Napoléon  aux Invalides. Le résultat de cette dentelle d’autosatisfaction nous piège tous dans la complicité d’un génocide.

 

En route vers Paris :

Des banlieusards, tels des mannequins.

Jamais chagrinés, même une seule fois,

par leur monotone ponctualité,

ne levant jamais les yeux, même une seule fois,

de leurs journaux, et très probablement,

des « récits » de Kosovo,

si indicibles qu’ils doivent être

écrits là, fermement, classiquement,

mythiquement, en noir et blanc ;

 

Smith conjure une rêverie d’enfance qui juxtapose habilement  une confrontation personnelle avec la mort—sa tangible naissance dans l’enfance —contre le monde de violence des adultes. “Milosevic à Paris” crée aussi un garde du corps qui envisage de trahir le leader serbe mais qui échoue. Smith ose fantasmer et désirer ardemment la fin violente de Milosevic: un assassinat, aussi brutal que la manière dont le “boucher de Belgrade” a exterminé ses minorités haïes. Le narrateur ne peut donc pas échapper aux fers de la violence, et à la fin du poème, à l’inévitabilité de la mort  qui est résolument apportée devant les yeux du lecteur du lecteur. Les sacrifiés  est âpre, désespéré même, mais pas effrayé de rire à voix basse avec ironie lorsque c’est nécessaire (Smith ne rate pas un serveur parisien qui “vous pardonne /votre façon de mutiler sa langue. Il sourit et crache / dans le bouillon fumant”).

Regarder est douloureux: pas seulement en témoignant de ces faits de guerre et de barbarie, mais en réalisant combien, nous lecteurs, sommes chanceux. Nous avons été épargnés. Les poèmes ne nous accusent pas directement, mais touchent à la culpabilité des survivants —qu’elle soit ressentie par la traductrice de Sarajevo ou les habitants de la banlieue de Paris— et nous pointent le doigt, de façon acérée, sur la poitrine avec sa marque indéniable de vue. La douleur transmise est intense, et met à nue comment la vie ne peut revenir à ses plaisirs communs après un tel traumatisme. I hesitate to use the term “psychic damage,” which edges into the danger zone of cliché, yet somehow here the expression works. Smith a mis en évidence le dommage psychique de la guerre. Rien ne peut être pareil: the plums dropping in the back yard “purple, lustrous, oblong-like / all of the testicles / of all of the men / castrated in Kosovo.” Même le chant de l’oiseau est teinté:

 

Ecoute sa  revendication territoriale extatique,

un chant malfaisant

pour purifier

les environs de tout intrus…..

 

 

Et s’il le pouvait, cet oiseau enverrait les tanks,

Les lance-flammes et les bulldozers,

Juste pour être sûr.

 

Peu importe le résultat du long procès de  Milosevic, la crainte d’un conflit est toujours  persistante dans les  Balkans. De récentes tensions se sont encore fait sentir en Macédoine  où quelques uns ont encore la nostalgie du pouvoir de Milosevic. Pendant ce temps, les deux autres cerveaux de mort répondant aux noms infâmes de, Radovan Karadzic (ancien président des serbes de Bosnie) et Ratko Mladic (le général serbe), esquivent actuellement la justice. Les Sacrifiés couvre les Balkans, et nous laisse en alerte. D’autres lieux d’odieuses atrocités —Rwanda, Cambodge, Sierra Leone, Afghanistan—attendent leur poésie du témoignage, et de la rédemption. Eux aussi méritent un poète aussi fin et sans compromission que Douglas Burnet Smith qui, du champ des restes de nouvelles rouillées que nous avons tous consommées ou pour la plupart ignorées, peut nous assener de grands titres tout frais qui pourraient empêcher certains de nous de mourir misérablement.

 

 

ETHAN GILSDORF

 

 



Tueurs, Victimes

Les conflits rendent la poésie caustique

 


Dès les premiers mots, Smith nous emmène à Sarajevo dans la chambre à unique fenêtre, unique ordinateur et unique lampe d’une jeune traductrice qui est hantée par les Tués (»Les Sacrifiés ») depuis le siège de Sarajevo.

"Les Sacrifiés" nous emporte dans les paysages de cette femme faits d’os et de corbeaux :

 

« Les corbeaux sont partis au lever du soleil,                           

convoi de limousines,

noires et brillantes,

se dirigeant

vers les coups de feu sporadiques dans les collines. »

 

Dans le même temps, elle fait face à sa propre survie  en essayant « de remplir de mots les parties manquantes des tués ».

En réponse aux tueurs et aux tués, elle fait de la vérité sa cible, racontant son histoire complètement et de façon poignante: « Les tués arrivent chaque nuit pour me faire la       lecture.

/Ils apportent des livres, tachés par la boue des tombes/et la graisse des fusils.”

Et tandis que les tués la hantent, c’est l’histoire des vivants qu’elle raconte. Des gens comme K qui s’est retrouvé enceinte:  Les hommes avaient formé une ligne bien   ordonnée,/et abusée d’elle/trois jours et trois nuits, oui,/laissée là, étalée ….Des cris au-dehors lui avaient sauvé la vie. Elle ne voulait plus de sa vie. » Ou bien encore le garçon de 12 ans qui était « le père” des 37 enfants télégéniques qui vivaient dans une école bombardée et qui disait qu’il n’y avait pas de mère car les filles étaient trop jeunes. Ou l’histoire de Maria et Mira: "deux femmes aux dieux différents qui tenaient une boutique de chaussures ensemble/depuis 20 ans." Mira rentre chez elle et son mari n’y est plus, son nom effacé du magasin, Maria dans sa propre maison lui disant, tu n’es plus dans ta maison ici,/ s’il te plaît va-t’en,/”

“Les Sacrifiés” est un livre fort et captivant, écrit dans un langage dépouillé afin d’évoquer au plus près la bataille que cette femme mène avec chaque mot. “Milosevic à Paris” on the other hand is strong and ruthless. Smith nous conduit à Paris, en juillet 1999, après que l’OTAN a cessé le bombardement de la Serbie et que les Kosovars aient repris le chemin du retour. Smith reproche, ici, à la culture américaine sa face consommatrice de tragédies. Au travers de la réminiscence de la fameuse photo d’Hitler regardant le tombeau de Napoléon, Smith imagine Slovodan Milosevic à Paris, dressé sur la tour Eiffel, mais que personne ne remarque, non,/ils ne regardent pas, pas une seule fois,/parce qu’ils préfèrent vérifier l’aiguille des minutes de leur montre  Swatche,/et desserrer leur bracelet TagHeur.” Pendant ce temps, Milosevic toise le tombeau de Napoléon «  plus grand qu’il ne l’aurait cru,” et pense, Que l’OTAN aille se faire foutre.” C’est un poème dont les strates vous emmènent chaque fois plus loin dans le conflit des Balkans en étendant ses frontières aussi loin que Paris.

Le but semble être de vous laisser piqué au vif, " Ca marche.

 

The Killed Douglas Burnet Smith (Wolsak & Wynn) 2000 ISBN091989771 1 88pp $14

 

KELLY MARIE REDCLIFFE