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* Les Sacrifiés traduit par
Laurence Aviragnet
- Milosevic à
par ETHAN GILSDORF
- Tueurs, Victimes:
Les conflits rendent la
poésie caustique, in Atlantic books today, automne 2000, n°
30
par KELLY MARIE REDCLIFFE
Presse
LES SACRIFIÉS
Traduit
par Laurence Aviragnet
Milosevic à Paris
Les Sacrifiés
(The
Killed: titre original)
Douglas
Burnet Smith
Traduit
par Laurence Aviragnet
Wolsak
and Wynn 76 pages, softcover ISBN 0919897711
A |
lors que j’écrivais cet
article, Slobodan Milosevic venait juste d’être transféré par hélicoptère et
avion de le prison centrale de Belgrade
à la Hague, où il attend désormais dans une petite cellule dans l’aile des
nations Unis de la prison de
Scheveningen en Hollande. Pour la première fois de l’histoire, un dirigeant
politique sera jugé par la communauté internationale pour crimes contre
l’humanité.
Il est rare que la poésie
rejoigne les grands titres des journaux, mais avec “les Sacrifiés” de
Douglas Burnet Smith, les lecteurs ont, désormais, une
bonne raison de froisser leurs journaux
et de rechercher un volume de poésie pour s’informer. En regard du
travail récent de Douglas Burnet Smith, voici le fameux dicton de William
Carlos Williams tiré de "Asphodel,
That Greeny Flower"—"Il est difficile/ d’obtenir les informations
dans des poèmes / bien que des hommes meurent misérablement tous les jours/ par
manque / de ce qu’on y trouve "— qui nous rappelle ce que la poésie
peut contenir: si, non pas le contenu identique des grands titres, alors
quelque chose d’également essentiel et nourrissant. Ici, les poèmes brutaux et
dévastateurs de Smith utilisent l’horreur de la guerre des Balkans pour
transmettre le béton carbonisé et l’émotion du courage de chaque vie perdue et
pleurée.
Tandis que d’autres
“poèmes politiques” avec le désir criant de grincer échouent misérablement, ces
lignes sont un vrai succès à tant de niveaux —au niveau musical, comme témoignage, comme un antidote
à la simple entropie et à la tristesse. Oui, le monde célèbre l’emprisonnement
de Milosevic, et le livre de Smith nous rappelle pourquoi cet homme est là.
Le volume se divise en
deux parties : la première, intitulée "Les Sacrifiés,” est une séquence de
41 poèmes, qui se déroule au travers des yeux d’une jeune traductrice de
Sarajevo ; une femme dont le
reportage (tenu un peu tel un journal) est plus dense que n’importe quelle
histoire /titre aux informations et exprime les douloureuses histoires des
défunts coulant, éparses, le long des pages comme un filet de sang. Elle est
elle-même anonyme, comme le sont les poèmes sans titres, et les morts sans noms
:
Je m’assieds à ce bureau chaque soir.
Chaque soir,
j’entends la petite fille du dessus
descendre les cinq étages
pour appeler sa soeur dans la rue,
la soeur qui est morte
il y a deux ans.
Je peux voir les patineurs sur la rivière
qui glissent et se penchent dans le vent,
mains dans le dos.
Combien de temps
la remontée prendra-t-elle :
une heure
sans cadran.
Smith est l’auteur de 11
livres de poésie, dont Voices from a Farther Room (Wolsak and Wynn, 1992) qui a été
nominé au Prix du Gouverneur Général.
Nombreux de ses précédents protagonistes sont des femmes ; dans Ladder
to the Moon (Brick Books, 1988), il examine Georgia O'Keeffe;Dans La
partenaire du Lanceur de Couteau (The Knife-Thrower's Partner -Wolsak
and Wynn, 1989) il raconte la perspective de la femme qui, à l’autre bout,
reçoit ce dangereux coup de maître; et il travaille actuellement sur un livre
de poésie concernant Marie Curie. A l’aise sous ces apparences, Smith
regarde légèrement de travers l’histoire ou des évènements plus récents:
ce n’est pas le poète regardant le JT de 20 heures, qui ensuite viendrait
crânement nous parler d’injustice. Au contraire, la traductrice de Smith nous offre des ruminations, des désespoirs et
les obsessions qui la hantent tandis que les Tués—via la radio, la TV, les
pixels de l’écran de l’ordinateur, la mémoire—font leurs pèlerinages
métaphoriques ou très réels dans son appartement. La séquence se dénoue d’une
façon dépouillée et crue. Les poèmes fonctionnent eux-mêmes tels des
mitraillettes, leurs rythmes staccato:
Celui-ci peut exhaler son souffle
par le trou de son dos.
Celui-là était un messager, si mince
qu’on ne pouvait le voir, caché dans l’herbe
sèche.
Celle-là n’arrête pas
de brosser ses mains—
elle entend les bottes
/s’approchant d’elle écraser le gravier humide….
Les tués arrivent chaque nuit pour me faire la
lecture.
Ils apportent des livres, tachés par la boue des
tombes
et la graisse des fusils.
Ils se tiennent au milieu de la pièce,
et ils lisent, clairement et sans peine,
l’histoire de leurs anciennes vies,
exactement les mêmes mots chaque nuit:
leur sommeil mitraillé par les projecteurs
traversant les fenêtres ; leurs envies
délirantes,
dans un semi rêve —de musique, de rouge à lèvres,
de baklava sur une assiette blanche et propre—
Les poèmes sont des instantanés
au plus près de voix désincarnées et d’histoires brisées; le lecteur n’est pas
toujours certain de leur origine. Allons nous les percevoir comme la propre
expérience de la traductrice ou celle des fantômes (ou des deux) aussi bien que des histoires issues des
médias? Bien sûr, là est la question: nos histoires sont autant les nôtres que
celles des morts.
La forme et l’aspect
visuel servent parfaitement le sujet. Quelques poèmes font plus d’une page et
leurs vers habituellement courts (moins de 10 syllabes) induisent un effet
d’isolement :
Ils m’ont demandé
(et je me le suis demandé aussi d’ailleurs)
« Pourquoi faire ça? C’est inutile
maintenant,
c’est fini depuis longtemps n’est-ce
pas ? »
J’ai seulement souri, oui, pensant
pas pour ceux qui devaient se réhabituer à ne plus
être des proies.
J’ai besoin de remplir de mots
les parties manquantes des tués.....
Smith, un canadien qui
partage son temps entre Paris et le Canada a déjà un pied fermement planté en
Europe,aussi la deuxième section, un long poème intitulé Europe, “Milosevic à
Paris” semble une étape suivante intelligente. Entre fascination avec la mort,
fantasme du châtiment et un côté documentaire de voyage à Paris le long poème
prend pour point de départ la visite de Milosevic de la ville des Lumières. Que
ce tour touristique trouve sa source dans les nouvelles ou soit imaginaire (il
était en fait, juste en dehors de la ville, à Rambouillet, raillant un accord
de paix), il sert parfaitement le poète et lui permet de condamner le narrateur
du poème, lui-même, qui prend le soleil au-dessus des banlieusards voyageurs,
non loin des emblèmes symboliques de la civilisation et de la nation: la tour
Eiffel (“babiole tape à l’oeil / tombée du bracelet de retraite de Dieu”) et le tombeau de Napoléon aux Invalides. Le résultat de cette dentelle
d’autosatisfaction nous piège tous dans la complicité d’un génocide.
En route vers Paris :
Des banlieusards, tels
des mannequins.
Jamais chagrinés, même une seule fois,
par leur monotone ponctualité,
ne levant jamais les yeux, même une seule fois,
de leurs journaux, et très probablement,
des « récits » de Kosovo,
si indicibles qu’ils doivent être
écrits là, fermement, classiquement,
mythiquement, en noir et blanc ;
Smith conjure une rêverie
d’enfance qui juxtapose habilement une
confrontation personnelle avec la mort—sa tangible naissance dans l’enfance
—contre le monde de violence des adultes. “Milosevic à Paris” crée aussi un garde
du corps qui envisage de trahir le leader serbe mais qui échoue. Smith ose
fantasmer et désirer ardemment la fin violente de Milosevic: un assassinat,
aussi brutal que la manière dont le “boucher de Belgrade” a exterminé ses
minorités haïes. Le narrateur ne peut donc pas échapper aux fers de la
violence, et à la fin du poème, à l’inévitabilité de la mort qui est résolument apportée devant les yeux
du lecteur du lecteur. Les sacrifiés est
âpre, désespéré même, mais pas effrayé de rire à voix basse avec ironie lorsque
c’est nécessaire (Smith ne rate pas un serveur parisien qui “vous pardonne
/votre façon de mutiler sa langue. Il sourit et crache / dans le bouillon
fumant”).
Regarder est douloureux:
pas seulement en témoignant de ces faits de guerre et de barbarie, mais en
réalisant combien, nous lecteurs, sommes chanceux. Nous avons été épargnés. Les poèmes ne nous
accusent pas directement, mais touchent à la culpabilité des survivants
—qu’elle soit ressentie par la traductrice de Sarajevo ou les habitants de la
banlieue de Paris— et nous pointent le doigt, de façon acérée, sur la poitrine
avec sa marque indéniable de vue. La douleur transmise est intense, et met à
nue comment la vie ne peut revenir à ses plaisirs communs après un tel
traumatisme. I hesitate to use the term
“psychic damage,” which edges into the danger zone of cliché, yet somehow here
the expression works. Smith a mis en évidence le dommage psychique de la guerre. Rien ne peut être
pareil: the plums dropping in the back
yard “purple, lustrous, oblong-like / all of the testicles / of all of
the men / castrated in Kosovo.” Même le chant de l’oiseau est teinté:
Ecoute sa revendication territoriale extatique,
un chant malfaisant
pour purifier
les environs de tout
intrus…..
Et s’il le pouvait, cet
oiseau enverrait les tanks,
Les lance-flammes et les bulldozers,
Juste pour être sûr.
Peu importe le résultat
du long procès de Milosevic, la crainte
d’un conflit est toujours persistante
dans les Balkans. De récentes tensions
se sont encore fait sentir en Macédoine
où quelques uns ont encore la nostalgie du pouvoir de Milosevic. Pendant
ce temps, les deux autres cerveaux de mort répondant aux noms infâmes de,
Radovan Karadzic (ancien président des serbes de Bosnie) et Ratko Mladic (le
général serbe), esquivent actuellement la justice. Les Sacrifiés couvre les Balkans, et nous laisse en alerte.
D’autres lieux d’odieuses atrocités —Rwanda, Cambodge, Sierra Leone,
Afghanistan—attendent leur poésie du témoignage, et de la rédemption. Eux aussi
méritent un poète aussi fin et sans compromission que Douglas Burnet Smith qui,
du champ des restes de nouvelles rouillées que nous avons tous consommées ou
pour la plupart ignorées, peut nous assener de grands titres tout frais qui
pourraient empêcher certains de nous de mourir misérablement.
ETHAN GILSDORF
Tueurs, Victimes
Les conflits rendent la poésie caustique
Dès les premiers mots, Smith nous emmène à
Sarajevo dans la chambre à unique fenêtre, unique ordinateur et unique lampe
d’une jeune traductrice qui est hantée par les Tués (»Les Sacrifiés »)
depuis le siège de Sarajevo.
"Les Sacrifiés" nous emporte
dans les paysages de cette femme faits d’os et de corbeaux :
« Les corbeaux sont partis au
lever du soleil,
convoi de limousines,
noires et brillantes,
se dirigeant
vers les coups de feu sporadiques dans les collines. »
Dans le même temps, elle fait face à sa propre survie en essayant « de remplir de mots les
parties manquantes des tués ».
En réponse aux tueurs et aux tués, elle
fait de la vérité sa cible, racontant son histoire complètement et de façon
poignante: « Les tués arrivent chaque nuit pour me faire la lecture.
/Ils apportent des livres, tachés par la
boue des tombes/et la graisse des fusils.”
Et tandis que les tués la hantent, c’est
l’histoire des vivants qu’elle raconte. Des gens comme K qui s’est retrouvé
enceinte: “ Les hommes avaient
formé une ligne bien ordonnée,/et
abusée d’elle/trois jours et trois nuits, oui,/laissée là, étalée ….Des cris
au-dehors lui avaient sauvé la vie. Elle ne voulait plus de sa vie. » Ou
bien encore le garçon de 12 ans qui était « le père” des 37 enfants
télégéniques qui vivaient dans une école bombardée et qui disait qu’il n’y
avait pas de mère car les filles étaient trop jeunes. Ou l’histoire de Maria et
Mira: "deux femmes aux dieux différents qui tenaient une boutique de
chaussures ensemble/depuis 20 ans." Mira rentre chez elle et son mari n’y
est plus, son nom effacé du magasin, Maria dans sa propre maison lui disant, “
tu n’es plus dans ta maison ici,/ s’il te plaît va-t’en,/”
“Les Sacrifiés” est un livre fort et captivant,
écrit dans un langage dépouillé afin d’évoquer au plus près la bataille que
cette femme mène avec chaque mot. “Milosevic à
Le but semble être de vous laisser piqué
au vif, " Ca marche.
The Killed Douglas Burnet Smith (Wolsak & Wynn) 2000 ISBN091989771 1 88pp $14
KELLY MARIE REDCLIFFE